Nomme professeur titulaire de la chaire d’histoire de la medecine de la Faculte de medecine de Paris en 1901, Jules Dejerine (1849–1917), medecin des hopitaux chef de service a la… Click to show full abstract
Nomme professeur titulaire de la chaire d’histoire de la medecine de la Faculte de medecine de Paris en 1901, Jules Dejerine (1849–1917), medecin des hopitaux chef de service a la Salpetriere, agrege depuis 1886, se retrouve, a 53 ans, a devoir enseigner ex-cathedra cette discipline a laquelle, jusque-la, il ne s’etait jamais interesse. En effet, contrairement a son predecesseur Edouard Brissaud (1852–1909), qui avait un reel interet pour l’histoire de la medecine et qui y avait consacre plusieurs articles, Dejerine n’a jamais eu la moindre attirance pour l’histoire de la medecine et n’a jamais rien publie dans ce domaine. La chaire d’histoire de la medecine, creee en 1795 a l’ecole de medecine de Paris, puis supprimee lors de la fermeture de la Faculte en 1822, est de nouveau creee en 1870 grâce au genereux legs d’un philanthrope, Auguste-Marie-Achille Salmon de Champotran (1811–1869), maitre des requetes au Conseil d’Etat. Charles Daremberg (1817–1872), qui jusque-l’enseignait l’histoire de la medecine au College de France, est le premier professeur titulaire nomme dans cette chaire. Mais Daremberg meurt deux ans plus tard et, par la suite, la chaire n’a que rarement ete occupee longtemps par le meme titulaire. Pour bien comprendre comment Dejerine s’est retrouve professeur d’histoire de la medecine en 1901 et l’est reste jusqu’en 1907, il est necessaire de remonter aux sources. Tout commence en novembre 1896 avec la vacance d’une chaire de pathologie medicale, dans laquelle Victor Hutinel est nomme, par 16 voix contre 14 a Brissaud. En compensation, Brissaud recoit l’assurance des membres du Conseil de Faculte qu’il aura l’unanimite pour la chaire d’histoire de la medecine quand elle sera vacante. A la mort d’Alexandre Laboulbene en 1898. Brissaud, comme prevu, est en effet elu a l’unanimite. Il n’occupe cette chaire qu’un an, pendant l’annee universitaire 1899–1900. En effet, moins d’un an apres y avoir ete elu, il demande a permuter dans une chaire de pathologie medicale devenue vacante. Malgre certaines reticences et oppositions a ces permutations que certains jugent excessives, notamment Charles Richet (1850–1935)–eminent professeur de physiologie, qui deplore que la chaire d’histoire de la medecine devienne une chaire d’attente, une chaire-tremplin, une « chaire marche-pied », « la chaire antichambre » comme le dit le docteur Julien Noir, secretaire de la redaction du Progres medical–, le Conseil accepte la permutation de Brissaud et Dejerine est elu par vingt–sept voix (sur trente) dans la chaire d’histoire de la medecine. Six ans plus tard, en 1907, Dejerine obtient sa permutation dans une chaire de pathologie medicale devenue vacante et Gilbert Ballet lui succede dans la chaire d’Histoire de la medecine. Apres Ballet, la chaire est attribuee a Anatole Chauffard en 1909, puis a Maurice Letulle en 1911. De nombreux titulaires s’y succedent ensuite jusqu’a la disparition des chaires en 1968. Pendant quatre ans (1902–1903, 1903–1904, 1904–1905, 1905–1906), Dejerine fait cours dans cette chaire. Respectueux de l’honneur qui lui echoit, et habitue a travailler de facon intensive, Dejerine se consacre scrupuleusement energiquement a la preparation de ses cours. Ses brouillons de cours conserves dans les archives familiales, puis confies au professeur Michel Fardeau, temoignent du travail considerable auquel s’est livre Dejerine pour preparer ses cours. Ils emplissent quatre grosses boites d’archives cartonnees, une par annee de cours. Les centaines de feuilles volantes sont de sa main ou de celle d’Augusta ou bien souvent des deux a la fois. Il parcourt toute l’histoire de la medecine de l’antiquite a la periode contemporaine, mais, comme il l’avait annonce lors de sa lecon inaugurale, il se concentre sur l’histoire des maladies, et chaque annee le champ couvert par son enseignement se retrecit et se specialise ; d’une etude generale, il passe a une histoire des maladies, puis du systeme nerveux, puis du cerveau et de la moelle epiniere. Que serait-il advenu d’une cinquieme annee d’enseignement ? Dans son livre sur les biographies croisees de Jules Dejerine et de son epouse Augusta, ouvrage sous presse aux editions Odile Jacob–auquel nous renvoyons le lecteur–Michel Fardeau fait une passionnante analyse, extremement detaillee, annee par annee, de ces brouillons de cours. Il montre l’importance du travail accompli et pointe les nombreux emprunts que Dejerine fait a ses predecesseurs. Ainsi, par exemple, puisant largement dans l’œuvre de Charles Daremberg, Dejerine debroche deux exemplaires de son Histoire des sciences medicales « pour coller chaque recto et chaque verso des pages de ce livre sur des feuilles de plus grand format, afin de pouvoir les annoter et ecrire dans les marges. ». Ceci etant, et quelles que soient les qualites indiscutables de ce cours, il est clair que Dejerine preferait aux cours magistraux theoriques l’enseignement clinique au lit du malade et les cours avec presentation de malades, dans lesquels il se depensait sans compter, arpentant « a grands pas l’espace qui lui etait devolu, s’arretant seulement devant son malade pour montrer le signe interessant et demonstratif. Il puisait dans son propre mouvement, la chaleur de ses discours […]. Dejerine n’etait lui-meme que dans l’enseignement des choses qu’il avait personnellement vecues », comme le dit Gauckler.
               
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