LAUSR

des ambitions affichées. La variété des thèmes abordés permet ainsi de brosser, par petites touches, un tableau très riche de la diversité des manières de vieillir au Québec. Ce tableau nuancé met à mal les mythes qui, trop souvent, homogénéisent la population âgée et occultent certaines réalités, qui se trouvent dès lors mal prises en charge par les politiques publiques et les interventions sociales. Si, dans l’ensemble, le procédé consistant à énoncer des mythes et à en discuter fonctionne bien, il apparaît parfois un peu rhétorique, certains mythes semblant avoir été construits pour la démonstration. Il en est ainsi du « mythe selon lequel la violence conjugale s’estompe chez les personnes âgées », mythe dont il est dit qu’il se caractérise par son invisibilité. Mais un mythe peut-il être invisible ? Peut-on parler de mythe s’il n’existe pas de construction imaginaire tangible ? La question aurait mérité d’être abordée dans l’introduction générale, qui aurait pu aussi justifier le choix du terme de mythe par rapport à d’autres : représentations, préjugés, croyances ou encore idées reçues. On peut aussi s’interroger sur l’ampleur de l’adhésion à certains mythes. Ainsi, le mythe « selon lequel il est essentiel de faire du bénévolat pour réussir sa retraite » est sans doute prégnant dans les discours politiques et médiatiques qui promeuvent le vieillissement actif, mais il est probable que l’adhésion des aînés à ces discours est variable selon leurs caractéristiques sociales. De même, est-il certain que « la croyance qui suppose que les personnes âgées meurent sans souffrances » est si répandue ? Il existe certes un idéal de la bonne mort, qui consiste à mourir dans son sommeil, sans s’en apercevoir. Mais le fait que cet idéal existe ne signifie pas que les gens croient que cela se passe ainsi. Par ailleurs, le lecteur se prend au jeu et finit par se demander pourquoi certains mythes concernant le vieillissement n’ont pas été retenus. Par exemple, si l’ouvrage s’intéresse au mythe de l’éternel enfant des personnes qui vieillissent avec une déficience intellectuelle ou un trouble envahissant du développement, il ne traite pas du mythe du retour en enfance dans la vieillesse. De même, si l’on trouve un chapitre qui s’inscrit en faux contre l’idée que la prison peut être comparée aux Centres d’Hébergement et de Soins de Longue Durée (CHSLD), en soulignant que la prison n’est pas conçue comme un lieu de prendre soin et que la vie carcérale est éprouvante, un autre chapitre aurait pu discuter de la croyance réciproque selon laquelle les CHSLD constituent des prisons. Plus largement, on aurait aimé lire des contributions à propos du mythe du vieillissement réussi ou de l’idée selon laquelle le bien-être diminuerait en vieillissant. L’ouvrage aurait aussi pu être enrichi en se demandant si la maladie d’Alzheimer (qui, curieusement, ne donne pas lieu à un chapitre) est nécessairement vécue comme un drame par les personnes malades ou encore s’il existe vraiment une crise de la retraite et si elle fait tanguer le couple. Mais c’est aussi l’une des réussites de cet ouvrage riche et stimulant que d’inviter ainsi le lecteur à le prolonger.