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sacre leur incapacité juridique et économique; et les contestations judiciaires ensuite, qui éclairent leur devenir, juridique et matériel, quand le pacte initialement scellé est contesté. De la signature du contrat de mariage au procès en séparation de corps, les rôles genrés sont aussi opposés qu’interdépendants. Réputées régies par leurs affects, les femmes sont des personnes vulnérables à protéger, en échange de leur total dévouement à la sphère domestique et sous réserve qu’elles restent étrangères au monde masculin de la propriété et des affaires. Les hommes se doivent d’agir en pourvoyeurs fiables et honnêtes. Cette structure en miroir est profondément inégalitaire, car la protection que les épouses peuvent espérer de leurs conjoints est très incertaine, de même que celle que pourraient leur accorder les tribunaux en cas de défaillance de ceux-ci. Les hommes conservent d’ailleurs un droit de regard sur leur gestion domestique quand bien même elles auraient obtenu la séparation de corps, et donc retrouvé leur capacité civile. Pour celles qui ont failli à leurs devoirs, l’accusation de folie n’est jamais loin, venant redoubler le stigmate lié aux déconvenues en affaires, et plus encore à la désunion conjugale. Dans cette analyse limpide, Thierry Nootens est soucieux de restituer les sinuosités des parcours de vie et les controverses judiciaires. Certaines femmes maîtrisent mieux que d’autres les comptes domestiques; quelques-unes (très rares) « entretiennent » leurs maris. D’un tribunal ou d’une affaire à l’autre, les juges se disputent sur la validité d’un mariage ou encore sur la possibilité de modifier un contrat de mariage. La prégnance du régime patriarcal ne fait aucun doute, mais sa forme et son intensité dépendent des caractéristiques des époux et des juristes. Dès lors, il serait précieux d’en savoir davantage sur les professionnels du droit qui interviennent dans la régulation judiciaire de la vie privée. Socialement, religieusement, politiquement, comment se situent-ils par rapport aux couples bourgeois dont ils traitent les litiges? Ces couples sont d’ailleurs hétérogènes, non seulement au regard de leur position sociale (de la moyenne bourgeoisie à l’élite), mais aussi des parentés dans lesquels ils s’insèrent. Plusieurs affaires soulignent l’implication des pères (des hommes et des femmes) dans la vie conjugale; elles invitent à situer ces conflits matrimoniaux dans l’espace des lignées, véritables déterminants de la reproduction sociale. Enfin, plusieurs histoires font état des circulations internationales de ces familles (entre Québec-Ontario, France, Royaume-Uni et États-Unis), les couples anglophones y sont nombreux et leurs activités économiques semblent surtout se dérouler en ville : de telles caractéristiques socio-territoriales gagneraient à être analysées plus systématiquement, tant elles nous renseignent sur la structure sociale du Québec de l’époque. Loin d’être un ouvrage pointu, réservé aux historien·nes du droit, Genre, patrimoine et droit civil est une œuvre de sciences sociales, qui mérite d’être largement lue et commentée.