On s’interesse dans cet article aux usages du tutoiement dans les relations au travail, tel qu’il est mesure a travers les donnees tirees d’une enquete quantitative qui contenait quelques variables… Click to show full abstract
On s’interesse dans cet article aux usages du tutoiement dans les relations au travail, tel qu’il est mesure a travers les donnees tirees d’une enquete quantitative qui contenait quelques variables concernant l’usage du pronom « tu » a l’adresse du responsable hierarchique direct. On montre d’abord que la pratique du tutoiement est determinee par trois dimensions intriquees : une dimension contextuelle (apprehendee ici via le secteur d’activite), une dimension personnelle (toutes les generations, toutes les categories socioprofessionnelles et surtout les deux sexes ne pratiquent pas egalement le tutoiement du chef) et enfin une dimension relationnelle. En etudiant les caracteristiques des responsables hierarchiques correlativement a celles de leurs subordonnes, l’approche quantitative permet notamment de verifier la dimension paritaire du tutoiement : les salaries de meme niveau socioprofessionnel, de meme generation, de meme sexe, sont toujours plus enclins a se tutoyer. Par contraste, apparaissent ainsi les frontieres sociales et statutaires trop etanches pour etre traversees par le tutoiement. L’article montre notamment a quel point les femmes, quelles que soient les caracteristiques de leur chef, pratiquent toujours plus le vouvoiement que les hommes. La pratique du tutoiement est ensuite interrogee comme revelatrice indirecte d’un tropisme neo-managerial dans les organisations. On montre alors comment l’abandon du vouvoiement dans les relations hierarchiques est correle avec divers indicateurs du changement gestionnaire d’inspiration neo-manageriale, tels que les objectifs chiffres et les entretiens d’evaluation, ce qui explique peut-etre en partie pourquoi le vouvoiement resiste plus dans le secteur public. On emet finalement l’hypothese selon laquelle la progression du tutoiement traduirait la transformation des rapports de pouvoir dans les organisations, ou les signes exterieurs de la verticalite hierarchique seraient delaisses au profit d’un controle par les chiffres qui s’accommode aisement d’une decontraction apparente dans les relations interpersonnelles.
               
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